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Episode29

Le joyeux quintet sortit du Mac Millan en devisant gaiement de choses et d'autres, de ces sujets tout prêts qui s'immiscent dans la conversation comme des pique-assiettes dans les réceptions sans invitations, comme le temps qu'il fait, la situation instable des Balkans, le passage à l'euro ou le bug de l'an 2222.

Beau Rivage est principalement un centre scientifique, mais la plupart des chercheurs y résidant avec leur famille, une cité s'est peu à peu développée à l'intérieur du complexe, des rues commerçantes serpentent sous les coupoles donnant sur le fond marin, des promenades bordées de bars et de restaurants permettent à tout un chacun de se détendre après une journée de réflexion intense sur le parallélisme entre les effets de bords en physique atomique dans le cas des molécules de catégorie deux et les processus de calcul balistique avancé sous haute gravité en présence de gaz denses de volume variable. Il n'est cependant pas nécessaire d'avoir un quelconque diplôme ou niveau de qualification minimal pour avoir accès à ces lieux de déambulation nocturne.

Aussi Mike et Lune précédaient de quelques pas Ricky, Feryl et Alfred, marchant d'un pas contemplatif en direction de la petite crique aménagée le long de la petite mer artificielle sur laquelle quelques plaisanciers naviguaient encore à la lueur blafarde des photophores dispersés au firmament de la coupole.

La présence de bateaux à plusieurs centaines de mètres sous la surface de la mer est, sinon inutile, sûrement étonnante, aussi il est, je pense, nécessaire de se fendre d'une once d'explication à ce sujet. Personne n'ignore l'état tectonique de la planète sur laquelle nos héros se trouvent, à savoir que celle-ci est recouverte presque en totalité d'eau, un océan planétaire unique, percé en son centre d'une petite île artificielle, sommet du complexe scientifique dans lequel nos héros déambulent en ce moment même. Une telle géographie n'est pas du tout, vous diront les marins les plus expérimentés de l'assemblée, mais alors vraiment pas, propice à la navigation. Les vents ne sont arrêtés par aucun relief, les tornades naissent et prolifèrent sans entrave, se jouant comme d'un fétu de paille des constructions de taille humaine, hormis peut-être de la cabine de plage située au sommet du complexe, sur l'île artificielle, qui à elle seule représente le fruit des travaux acharnés et consciencieux de plusieurs dizaines d'équipes de scientifiques de toutes les disciplines qui, unissant leurs forces et leurs talents, ont réalisé le seul édifice émergé de cette belle planète. Mais revenons à nos bateaux, ne pouvant sortir en toute sécurité à la surface de l'océan, l'homme, soucieux de conserver sa qualité de vie, a tout simplement recréée une petite mer, enfermée dans une coupole posée au fond de l'océan, afin d'y naviguer dans le confort et la sérénité. Les bars et restaurants les plus côtés sont installés le long de la plage qui borde cette mer, le Copacabana est l'un des bars les plus branchés de l'univers connu, il est donc là où chacun s'attendait à le voir, juste en face de l'endroit où se sont arrêtés nos héros.

- C'est là ? S'enquit Mike en contemplant la façade illuminée de mille feux sur laquelle un nuage d'étincelles scintillantes proclamait 'CopacabanaBar'.

Hal avait pris soin de réserver une petite table dans un coin tranquille, pas trop loin du bar mais pas au milieu du passage non plus, avec vue sur la piste de danse et sur la mer.

Lune abandonna pour quelques minutes son rôle d'agent de la sécurité niveau Jedi au profit de Mike qui l'invita à danser sur une salsa tchatchatcha endiablée et torride, tandis que Ricky commandait d'un air entendu un Bloody Inferno au barman.

- Comment se fait-il qu'une jolie fille comme vous échoue dans un endroit comme celui-ci ? S'enquit notre héros auprès de Feryl alors que son père était parti saluer quelque éminent collègue.

- Je travaille ici, Beau Rivage est le seul complexe scientifique digne de ce nom, les recherches que nous menons conjointement, Alfred et moi, nécessitent un appareillage extrêmement poussé qu'on ne trouve nulle part ailleurs

- Mmm, c'est donc ça... Répondit Ricky de son air le plus compréhensif. Et, dites moi, n'est-ce pas trop dur de suivre les traces d'un savant brillant éminent comme votre père ?

Feryl se pencha vers son vis-à-vis dans une attitude de conspirateur chevronné, diminuant le niveau sonore et l'intensité lumineuse par la seule force de sa volonté, l'atmosphère devient lourde et tendue, propre aux révélations d'une importance vitale et d'une puissance narrative sans précèdent.

- Vous savez... Commença la jeune fille, Alfred n'est pas mon père.

Le pauvre Ricky, totalement pris au dépourvu par cette révélation susurrée, manqua de s'étouffer avec une gorgée de Bloody Inferno avalée de travers. Ceux qui ont la plus petite idée de la puissance explosive des différentes substances constituantes de ce cocktail à la réalisation délicate et souvent assistée d'un démineur transpirant à grosses gouttes devant la violence du barman agitant son shaker savent par quelles affres notre pauvre ami passa en l'espace de quelques instants, et comprennent qu'il n'ait pu répondre que d'un gargouillement plaintif et étonné.

- En réalité, continua Feryl afin de couvrir les gémissement d'agonie de Ricky, Alfred est mon grand père, je suis la fille d'André, son fils, mon père, que vous n'avez pas vu hier car il est parti chez un copain de sa classe pour quelques jours, il est encore un peu jeune pour les séminaires.

- Si je comprend bien, ce qui est fortement indécidable vu le choc que ces informations on provoqué chez mon confrère et second, votre père a dans les, disons, quinze ans, exposa Mike, revenu entre temps de la piste qui commençait à se remplir de danseurs chevronnés venus de toute la ville afin de rivaliser de talents au son du Copacabana.

- Arg, précisa Ricky en tentant de reprendre pied dans la conversation.

- Précisément, répondit Lune, il y a certains détails de l'histoire de la famille Analogue qui ne vous ont pas été communiqués, je pense Feryl que vous pouvez leur expliquer en quelques mots de quoi il retourne.

- Mon père, le fils d'Alfred, a actuellement quinze ans, je vais naître dans une dizaine d'années, alors qu'il secondera Alfred dans ses recherches, je serais alors formée aux sciences temporelles, ma spécialité sera le voyage dans le passé, je vais contribuer à le rendre fiable et précis puis, quelques jours après mes trente ans, je partirais en direction du mois dernier. Depuis je travaille avec Alfred afin de lui expliquer les bases de mes travaux, fondées sur ses idées, retravaillées pendant près d'un demi-siècle, afin de l'aider à mettre au point le voyage temporel vers le passé dans les années à venir. Pour ma part, je retournerais vers le temps d'où je viens dans quelques mois.

Mike parcourra le bar du regard à la recherche d'un calendrier afin de visualiser les concepts énoncés sur un support concret et connu, n'en trouvant pas il préféra oublier les événements survenus pendant les dernières dix minutes, après quoi il commanda un Bloody Inferno alors que Ricky jetait un regard entendu au barman.

On n'a jamais dit que ça allait être facile, relisez le passage une deuxième fois, puis oubliez le et allez boire un verre.

Billy Bilboquet.