Mike et Lune étaient perdus dans la contemplation du soleil couchant lorsque le téléphone sonna.
Ricky venait de perdre son as de carreau, carte maîtresse si il en est, lorsque le téléphone sonna.
Basile venait de composer le numéro sur le petit cadran rotatif de bakélite noire lorsque le téléphone sonna...
La chronologie exacte des événements n'est peut être pas exactement celle-ci, cependant, la précision des télécommunications trans-temporelles n'est plus ce qu'elle était depuis les Grandes Modifications Téléphoniques, le personnel fait ce qu'il peut, mais le matériel n'est plus tout jeune, que voulez vous. Afin de vous faciliter la vie, nous allons suivre la ligne temporelle de notre nouvel ami, j'ai nommé Basile Brène.
Le petit homme manipula avec délicatesse le petit cadran noir, indiquant successivement chacun des numéros de son premier correspondant. La machinerie cliqueta et grinça, envoyant la requête à un quelconque central perdu aux confins de la galaxie, la demande se perdit, se retrouva, fut entendue par le service des Transmissions Temporelles, une voix prévenante d'hôtesse pulpeuse pria Basile de patienter un instant.
Dans cette situation le commun des mortels à tendance à patienter quelques secondes, jusqu'à une demie minute si la cause est d'importance, mais jamais plus, on raccroche alors en pestant contre la qualité ridiculement décevante du service et l'augmentation faramineuse de sa facturation. Mais Basile Brène ne fait pas partie du commun des mortels, il est en mission pour son employeur et c'est ce même employeur qui paye la communication, la patience est sa spécialité et attendre son passe temps.
La pulpeuse standardiste s'apprêtait à assurer au patient individu que son attente ne serait plus très longue, merci de patienter, lorsque un grincement accompagné de quelques bips d'écho trans-temporels se firent entendre, suivis presque immédiatement, pour autant que l'écoulement du temps ait encore une quelconque valeur dans cette situation, de la tonalité intermittente signalant qu'un téléphone sonnait, quelque part dans le passé, sur la terre, dans un coin de New York.
...
Décidément, les intelligences artificielles n'ont aucun respect pour leurs adversaires humains, même à la bataille. Ricky jeta rageusement la carte virtuelle sur le paquet virtuel de son vis à vis électronique, lorsque le téléphone sonna. Un téléphone qui sonne, au bureau, alors que l'on est entrain de travailler sur un sujet relativement éloigné des occupations normales d'un employé de bureau, c'est toujours surprenant, légèrement inquiétant.
Ricky se détourna de sa partie endiablée avec la crème des processeurs parallèles à triple induction photonique, fixa quelques instants le combiné qui tressautait sous la puissance de la vibration sonore l'exhortant à décrocher, puis, résigné, tendis un bras peu volontaire vers son destin.
- Allô ?
- Allô ?
- ...
- Monsieur Rhapsody ? De New York ?
Voilà qui commence bien, se dit Ricky, un énergumène.
- Oui monsieur, lui même, que peut-il pour votre service ?
- Bonjour Monsieur, ici Basile Brène, je... j'ai assez peu de temps, nous avons un problème assez délicat et nous avons besoin de vous, Hal nous a indiqué comment vous joindre, j'aimerais... nous avons une mission délicate à vous confier.
- Voyez-vous çà. J'ai déjà sauvé le monde il y a peu, je suis en congés. Revenez d'ici quelques mois.
- Il s'agit d'une situation très spéciale, vous êtes les seuls, votre ami a déjà accepté, nous avons absolument besoin de vous.
Les paroles de Basile peuvent vous surprendre, mais un petit mensonge ne coûte rien, et la relativité des repères temporels lors des communications de ce genre se prête tout à fait à ce genre d'incartade.
- De quel ami parlez vous ? Questionna Ricky, ébranlé.
- De Mike Marshall bien sur, votre collègue. Il va quitter son île dans quelques heures pour nous rejoindre. Vous le retrouverez ici-même.
- Hé bien... si il a accepté, je suppose que... après tout...
Ricky jeta un coup d'œil au terminal qui affichait toujours la partie de carte en cours, le petit compteur en haut de l'écran indiquait qu'il en était à sa cinq cent douzième partie du mois, cela acheva de le convaincre.
- C'est d'accord, je serais près d'ici quelques heures, le temps de passer chez moi récupérer quelques affaires.
- C'est inutile, Hal a envoyé quelqu'un les chercher. Il vous préviendra dès que Mike atterrira. Nous vous expliquerons tout en détail dès que nous serons réunis.
Basile conclut la discussion sur quelques formules de politesse et de remerciement, puis, après une grande inspiration, demanda à la standardiste de lui passer le second correspondant.
...
Le gens ont toujours eu, ont et auront toujours la furieuse manie de téléphoner au mauvais moment. Et de persévérer dans leurs mauvaises manières. Après quelques sonneries stridentes, la succession ne faisant pas mine de s'interrompre, Mike et Lune se séparèrent avec un soupir, le charme du coucher de soleil était rompu.
Mike se dirigea vers la véranda de leur villa, vers le téléphone trépidant qui tentait de réveiller la jungle. Il saisit le combiné d'un geste rageur, près à l'abattre sur la tête de l'importun qui osait appeler un pauvre naufragé dans ses tribulations pacifiques.
- Allô.
- Allô ? Monsieur Marshall ?
- Lui même, je peux même vous confier que vous le dérangez.
- Bonjour Monsieur Marshall, je suis confus... mais voyez vous, l'affaire qui me préoccupe est de première importance, Hal nous a indiqué comment vous contacter, il nous a recommandé de le faire dans les plus bref délais.
- Hal ? Que diable une IA sauvage vient-elle faire sur mon île ?
- Sur votre île ? Sauvage ? Hal vous a recommandé, vous et votre ami, Ricky, il a indiqué que vous étiez les plus aptes à résoudre une situation délicate qui nous pose problème.
- Quelle bonne blague. Hal nous a recommandé. De quoi s'agit-il, de pèche au gros sur les océans de Vénus ?
- Pas exactement... Je ne peux malheureusement rien vous dire par téléphone, mais si vous acceptez de vous déplacer, nous avons rendez vous avec monsieur Rhapsody à New York dans quelques heures afin de lui exposer là situation, si vous souhaitez vous joindre à nous...
- Ricky a accepté ? Quel idiot... C'est bien payé ?
- Bien sur, bien sur. Si vous permettez, Hal va vous envoyer un avion depuis la base militaire, il arrivera dans quelques minutes. Nous pouvons donc compter sur vous ?
- Ouais, on verra ça.
Basile n'eut pas le temps de conclure sur quoi que ce soit, La ligne fut brutalement coupée par son interlocuteur.
...
Prenant à peine le temps de raccrocher le combiné noir sur le vétuste appareil qui disparu dans une trappe du bureau, Basile appela Hal :
- Ils ont accepté, préparez une transmission vers votre homologue passé pour le briefing, faites au plus vite, ces communications nous coûtent les yeux de la tête. Préparez le transfert, prévoyez trois personnes. Fixez leur arrivée pour... Disons demain matin. Prévenez moi quand ils seront prêts.
Décidément, l'action et l'adrénaline avaient un petit goût de revenez-y, surtout quand tout se déroule à la perfection. Basile se détendit dans son fauteuil de cuir, le problème était toujours présent et n'avait rien perdu de sa consistance, mais la solution commençait à apparaître.
Un grand sourire s'épanouit sur le visage poupin du petit homme, il avait son équipe.
Haha, çà ce précise...
Billy Bilboquet. |