Les marines prirent pied sur l'île comme à la parade. Les barges de débarquement glissèrent sur le sable mouillé, crissant sous le poids des hommes équipés comme des Ken de combats, distribuants ordres et munitions avant de patauger dans l'eau claire rapidement troublée par les bottes des soldats. La plage fut conquise en moins de deux minutes. C'est à dire qu'il fallut moins de deux minutes à l'escouade de soldats pour débarquer de leurs péniches d'assaut, se déployer sur le sable fin jusqu'à la lisière de la forêt et observer avec justesse que l'île était inhabitée.

Le général Mc Intosh suivait la progression de ses hommes à travers les jumelles antichar qu'il avait piqué à son cousin dans un bar lors de leur dernière permission à Bora-Bora, au mois d'avril dernier. Les rapports des éclaireurs arrivaient successivement dans son oreillette de communication, tous portant le même message : île déserte. Lorsque la mission de récupération était arrivée dans les environs du point de chute de la navette, tous les radars étaient restés muets, les hélicoptères de repérages n'avaient rien repéré du tout, les sonars passaient comme dans du beurre sans heurter le moindre obstacle. La balise de repérage intégrée aux systèmes vitaux de la navette était devenue muette quelques heures auparavant, empêchant les secours de la localiser avec exactitude.

A présent ils avaient découvert une île non répertoriée, inscrite sur aucune carte d'états major, sur aucun relevé civil ou militaire, invisible sur les dernières photos satellites ou aériens. Un mini triangle des Bermudes justement là où il venait récupérer une navette spatiale dont le prix vous permet un instant d'entrevoir pourquoi les impôts sont si élevés. Suspect autant qu'étrange.

Le général était perdu dans ces pensées de tactique militaire lorsque l'appel de l'un de ses hommes le ramena brusquement à la réalité.

- Chef, indigène en ligne de mire chef ! Demande permission de faire feu chef !

Le point rouge d'un viseur laser vint se planter dans le front d'Edgar qui descendait tranquillement vers la plage, prenant bien soin de ne pas marcher sur les trappes dissimulant le mobilier de plage, marchant d'un pas mesuré et pacifique vers les soldats aux aguets.

- Verrouillez la plage, un hélico en couverture, je viens voir notre énergumène. Ordonna le général sur le circuit radio global avant de sortir en trombe du poste de commandement.

La navette s'échoua doucement sur la grève, tirée par deux marines venus faciliter la descente de leur commandant. Celui ci descendit d'un pas martial, se dirigeant vers l'unique occupant de l'île.

Edgar regardait venir le général, escorté de sa garde prétorienne, avançant comme un césar en pays conquis, légèrement énervé par le petit détail de la disparition de la navette qu'il était venu chercher. La petite oreillette du général continuait à débiter des informations diverses et variées sur la géographie de l'île, ses coordonnées imprécises et l'absence totale d'informations à son propos.

Le général s'avança d'un pas martial, bien décidé à tirer au clair cette situation embrouillée avant la fin de la journée, récupérer la navette spatiale qu'il était venu chercher, où qu'elle soit, et retourner dare-dare dans son ranch à la frontière du Texas avant que son beau frère n'ait complètement faussé la comptabilité.

Billy Bilboquet.