Prague, Marquis de Sade
Le goût du café s'attarde sur ma langue, ma tasse encore fumante posée sur sa soucoupe sur le bord de la petite table ronde. Les lumières rouges se reflètent vaguement sur le vernis noir irrégulier.
La musique douce murmure à mon oreille des slows de nos quinze ans. Le tintement des verres se mêle au ronronnement des conversations.
La banquette de velours rouge s'enfonce et ploie, le café ne me quitte pas. La bière brune descend lentement dans les verres. La rangée de bouteilles d'alcool suspendues au dessus du bar forme une ligne renversée dans laquelle joue la lumière jaune d'un néon hésitant.
Les becs des tireuses à bière gouttent lentement, rythmés par l'avancée inexorable de la trotteuse qui tourne inlassablement sur l'horloge nacrée de cuivre noircie qui surplombe le comptoir.
Les tabourets vides forment un front immobile au pied du bar. Quatre gigantesque tableaux me font face, remplissant le haut mur qui grimpe jusqu'au plafond rouge et blanc, tendu d'un tissus bleu drapé. Un piano à queue trône sur une estrade, ouvert, muet. A ses cotés une télévision éteinte attend une étincelle. Un livreur pose quatre caisses de bouteilles dans un coin, les serveuses les rangent lentement.
Les clients se succèdent, les verres se vident.
Le soleil se couche, il est temps de partir. |