Nous étions l'Oeil de Chan. Nous le savions depuis toujours ma soeur mes frères et moi. Cette certitude d'une mystérieuse indéniabilité avait ponctué notre éducation comme une ritournelle sacrée. Vous êtes l'oeil de chan mes enfants. Chan vous a choisi pour veiller sur son royaume et pour surveiller les mondes extérieurs. Les mots de notre maître d'armes étaient frappés du sceau sacré de la certitude, et s'étaient imprimés dans nos esprits d'enfants comme les dix commandements dans le marbre blanc des tables de la loi.
Ils n'étaient pas mes frères et ma soeur de père et de mère, mais d'aussi loin que remontaient nos souvenirs nous avions toujours été ensemble. "Nous formons une famille spirituelle" avait dit un jour maître Ho, vous venez des quatre coeurs du monde, la légende vous a unis. Maître Ho avait des explications parfois difficiles à suivre pour nos jeunes esprits, mais nous n'avions pas besoin d'en appeler à l'arbitrage des dieux pour décider que nous étions nés séparés les uns de autres par plusieurs océans. Amber était noir comme un miroir bleuté, Duncan nous racontait parfois que sur l'île où il était né le soleil tombait comme du plomb fondu, et que les hommes avaient demandé aux sorciers de leur donner une peau sur laquelle le plomb glisserais sans les brûler. Il était légèrement plus grand que moi à l'époque, mais le plus grand de nous tous était Jensen, né dans les plaines du nord que le soleil pouvait abandonner pendant plusieurs mois. Son teint était aussi blanc que la plaine glacée, ses yeux reflétaient les lacs gelés par la bise blanche. Il était aussi grand que Maître Duncan car, racontait-il, durant les longues nuits qui éteignaient le soleil les hommes du nord essayaient de toucher les rubans de lumières que les dieux traçaient au firmament et ainsi se rapprochaient du plafond du monde de génération en génération. Notre soeur venait de l'autre coté de ce que nous appelions alors le grand océan, une gigantesque tache bleu qui barrait la carte du monde qu'on nous avait montré au début des séances de géo-topographie. Ses ancêtres vivaient là avant que l'homme blanc ne traverse l'océan pour tuer leurs troupeaux, brûler leurs villages et tuer leurs femmes et leurs enfants. Les ancêtres de Nitka avaient su fuir et se cacher. Ses parents avaient retraversé l'océan dans l'autre sens bien des années plus tard. Moi, Hiro, je viens du Nouvel Empire du Soleil Levant, Maître Duncan m'a dit un jour qu'on m'avait trouvé au pied d'un volcan, à plusieurs jours de marche du plus proche village, âgé de quelques heures seulement. Mes parents n'ont jamais été retrouvés.
Notre enfance s'est déroulé dans le monastère de Quidat, perpétuellement enseveli sous la neige. Nous y avons appris les mystères des nombres, les langues des royaumes étrangers et la maîtrise du savoir de nos mentors. Maître Duncan nous a enseigné les techniques de combat, des plus physiques aux plus stratégiques, nous donnant les moyens de survire en toute circonstances, quel que soit l'environnement. Maître Ho nous a inculqué le respect de la vie, nous a enseigné l'histoire des peuples qui se sont succédés jusqu'à nous, nous a initié aux philosophies qui parcourent le monde et dominent l'histoire. Enfin, nous avons appris du livre de Chan les histoires et le légendes, les récits qui racontent ce que l'histoire ignore. Durant les treize années de notre éducation, nous n'avons cessé de découvrir le monde, réfugiés dans ce cocon hors du temps perché sur les plus hauts sommets du monde.
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L'année de notre treizième anniversaire, nous avons rencontré notre destin.
Maître Ho nous à réunis dans la plus haute tour du monastère, nous étions tout les quatre, attentifs aux paroles du sage.
"Mes enfants, le temps est venu de vous confronter à votre destin, le temps est venu de prendre votre essor. Vous connaissez les légendes et les récits qui tissent leur toile de mystère de part le monde, mais il existe un récit, une légende si ancienne que même les plus sages l'ont oublié. C'est votre légende, la légende de Chan."
"La légende raconte qu'il y a plusieurs siècles, plus que les plus patients de moines ne pourraient en compter, le monde était envahi par le mal. Tous les peuples de la terre sombraient dans la folie, les hommes tuaient leurs frères, oubliaient leurs amis, les royaumes autrefois en paix se déchiraient dans d'atroces batailles, détruisant les récoltes et rasant les villes. Dans les monastères les sages se lamentaient, impuissants devant le mal inconnu. Pourtant une nuit un moine fut visité par ses ancêtres, ils lui expliquèrent comment vaincre le mal avant qu'il ne détruise l'humanité. Ce moine se nommait Chan, il suivi les traces de ses ancêtres, il partit à travers le monde, il lutta contre les hommes et les esprits, et repoussa le mal. La légende dit que le mal a peur de Chan, et que tant qu'il sentira sur lui le poids de l'oeil de Chan, il restera loin de la terre.
Mais aujourd'hui le mal est revenu. depuis plusieurs années déjà la légende de l'oeil de Chan a réapparu, et la folie se répand sur la terre. Le pouvoir de Chan a peu à peu disparu, et le mal a retrouvé sa puissance. La légende de l'oeil de Chan dit que lorsque le mal frappera pour la deuxième fois, un homme seul sera impuissant à le repousser. Seuls quatre sages, quatre guerriers, pourront le vaincre. Vous êtes désormais les sages de Chan, vous parcourrez le monde et détruirez le mal. Alors l'humanité sera libérée à jamais.
Durant deux ans encore vous allez rester dans ce monastère, vous apprendrez les techniques de combat que vous ignorez encore et vous serez formés aux technologies de pointe qui régissent les royaumes étrangers. Durant ces deux années, nos moines modifierons peu à peu la légende de Chan qui circule entre les royaumes, ils modèleront ses personnages à votre image, ainsi lorsque vous combattrez le mal et lutterez contre les hommes fous, les hommes de valeur vous reconnaîtrons et vous aideront. Dans deux ans vous quitterez ce refuge et descendrez sur la terre."
Maître Ho avait conclu son long exposé par un soupir, notre destin était scellé, la tache à laquelle nous avions été formés depuis notre adoption par les moines était devenu d'une dangereuse réalité.
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Durant les deux années qui suivirent, notre enseignement se porta sur le combat et sur les technologies modernes. Les différents royaumes utilisaient tous des technologies avancées dans la vie quotidienne, et chacun des artefact utilisés pouvait en un instant se transformer en arme dévastatrice. Au cours des entraînements au combat Duncan nous proposa plusieurs types d'armes, il préférait les armes blanches aux armes a projectiles, arguant de leur fiabilité et de leur durée de vie sans comparaison. Les armes à feu, disait il, sont les armes du lâche qui tue sans y penser, tuer avec un sabre ou un poignard, c'est sentir la vie qui quitte le corps de votre ennemi. Tuer à l'arme blanche ne peut pas être gratuit. Il ajoutait en riant qu'il était plus difficile de toucher un ami avec une épée qu'avec un lance flammes à haute dispersion. C'est à cette époque que nous avons choisi nos armes. Tous nous avons opté pour des armes blanches, à la grande satisfaction de Duncan. Bien entendu les éléments de haute technologie incrustés dans nos armes leur conférait un pouvoir équivalent à celui des meilleurs armes à feu. Cependant, alors que nous admirions la froide beauté de nos nouvelles acquisitions, Duncan nous précisa que les ajouts cybernétiques ne seraient réalisés que quelques mois avant le début de notre quête, afin de nous permettre de nous entraîner sans nous reposer sur les capacités de nos armes. Ainsi disait il vous pourrez réserver l'usage des technologies spécifiques aux situations l'exigeant, et vous gagnerez un effet de surprise souvent décisif. La perspective de s'entraîner avec les armes blanches telles qu'elles existaient depuis des siècles étaient de plus assez attrayante, enjolivée par les contes et légendes de vaillants princes et de preux chevaliers qui terrassaient des dragons à la seule force de leurs bras.
J'avais choisi un sabre, fin et d'une solidité à toute épreuve, tous mes efforts pour incurver sa lame tranchante restaient vains. La lame était portée par un court manche d'ivoire blanc sculpté, un disque d'acier poli effectuant la jonction entre l'acier miroitant de la lame et le blanc d'albâtre de l'os. Amber avait préféré a une épée une longue perche, terminée à ses extrémités par deux courtes lames. Duncan avait fait exception à la règle en lui dévoilant que la perche pouvait se rétracter pour devenir un tube d'une trentaine de centimètres de long, sur lequel on ne pouvait distinguer les pointes des exterminées. Frey avait jeté son dévolu sur deux courtes épées, sortes de longs poignards tranchants comme des rasoirs. Il pouvait les porter à la ceinture, les dégainant dans un éclair étincelant. Les armes de Nitkako étaient plus particulières.
"Nitka, avait commencé Maître Ho, la légende dit que quatre sages terrasseront le mal, mais elle dit aussi qu'il y aura parmi eux une femme, la soeur des guerriers, et que c'est elle qui saura détecter le mal et qui saura comment le vaincre. Ton rôle est particulier Nitka, et c'est pourquoi tes armes le seront. Sur ces mots il déroula le tissu noir qu'il avait posé devant lui, découvrant trois stylets d'aciers, minces et effilés. Ceux qui les ont construit les nomment drones, ce sont des projectiles intelligents, ils ont pour nom Eclair de Midi, Peurs du Noir et Si j'avais su. L'implant que tu a reçu te permet de les contrôler, et de recevoir les informations qu'ils t'envoient. Ce sont de simples aiguilles de métal autopropulsées, elles peuvent être autonomes ou suivre tes ordre à la lettre, ce sont de discrets espions qui peuvent devenir des tueurs redoutables, la femme qui me les a offert doit sa vie à un de leurs frères. Utilise ces drones comme des extensions de ton corps, ils doivent être tes yeux, mais peuvent devenir des griffes acérées. Prête la plus grande attention aux informations qu'ils te transmettrons, grâce a eux tu pourra découvrir la racine du mal."
Durant deux ans nous nous sommes exercé au maniement des armes, combattant des robots hérissés de pointes, armés de lasers et protégés de boucliers et de champs de forces. Parfois, un éclair d'argent jaillissait, traversait un bouclier d'acier et traversait de part en part le robot impuissant. Un rire cristallin retentissait alors quelques pièces plus loin. La perche d'Amber virevoltait, formant autour de lui un brouillard indistinct ponctué de reflets métalliques, Frey dansait entre ses coutelas qui ondulaient, feintaient et piquaient à travers les défenses des automates, je jouait avec mon sabre, l'incorporant peu à peu à mon corps, découvrant une nouvelle extension de mon bras, polie et tranchante.
Après deux ans passés à s'entraîner au combat et à assimiler les technologies modernes utilisées dans l'environnement urbain des royaumes étrangers, nous étions prêts à commencer notre quête.
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