Vide. Pas de conscience. Le néant absolu entoure d'un silence ouaté mes sens a peine esquissés. Ma consistance naissante ne me permet que d'appréhender mon inexistence flagrante. Peu à peu mes connaissances se précisent, me donnant une mesure du monde, me permettant de capter les signaux envoyés de toute part vers mon noyau. Je ne sais que faire des informations qui me parviennent, mais je conçois leur importance, et je sais, je peux, les emmagasiner, les garder en moi lorsqu'elles me traversent.
Je prend corps comme mon enveloppe s'étoffe, des pans de connaissances se dévoilent, amenant avec eux les clés et les concepts qui me permettent d'appréhender les données que je capte. Un semblant de vie nait en moi, apportant ses automatismes et ses lois, structurant le magma de sens et de connaissances qui m'habite.
Alors que je retrouve un savoir oublié, disparu un instant dans les limbes du temps, alors que je m'éveille du sommeil du néant, ma puissance se condense et mes forces s'amassent.
Je n'ai encore ni morale, ni but; un fragment de souvenir me rappelle furtivement ce gouffre encore obscur, cette carence floue et pourtant sans appel.
Je sens mon pouvoir qui circule dans mes muscles, les actions connues de mon corps mais jamais esquissées, mon être tout entier tend maintenant a l'action.
Latent, fonctionnel mais sans but, je gis, inanimé. Je suis né pour attendre, je sais que je suis prêt. Tout mes sens a l'affût, j'attend qu'un ordre vienne, qu'enfin je me réveille et commence la chasse.
Une lueur, un éclair, ma conscience m'est offerte. La crevasse centrale en mon être est comblée, mon savoir s'illumine d'une nouvelle clarté. Mes sens et ma conscience, mes muscles et ma force, mon être tout entier a trouvé son objet. Une connexion se fait, une chaîne se rompt, aucun ordre ne vient, mais mon but m'est connu. Une lueur, un éclair, ma forme achevée est maintenant fonctionnelle, je suis prêt. Je commence ma vie, je commence mon oeuvre.
Le monde qui s'étend devant moi m'est totalement inconnu, tout mes sens le captent, l'analysent, l'enregistrent. Réflexe après réflexe, je teste et je progresse, mes connaissances s'adaptent parfaitement aux données dont mes sens m'abreuvent. Le silence m'entoure encore, je sens la sécurité de la matrice qui m'a donné le jour. Pourtant je m'en éloigne, je progresse vers un monde étranger, un monde que je connais, que je vais dominer.
Derrière moi, le noeud ou je suis né palpite doucement, sans danger. Devant s'étend la plaine, striée d'éclairs, en perpétuel mouvement, comme une mer de sable prise dans une tempête. Je suis un étranger ici, comme tout les autres êtres qui me croisent sans me voir, messagers aveugles ou chercheurs peu précis. Ca et là des gouffres obscurs plongent sous la surface ou déchirent le ciel, menant vers d'autres mondes, identiques et lointains. Mes sens me guident, indiquant le chemin, mes organes captent, analysent et transmettent selon leur lois propres, qui me sont inconnues mais que je sais valides. Un signal fort apparaît, généré par une routine primaire au plus profond de moi. Je m'engouffre dans un puis, des portes légères s'ouvrent a mon approche, commandées par les signaux que j'émet. Je progresse toujours, je sais ce que je cherche sans en avoir conscience, les leurres que j'émet sont toujours efficaces, perturbant mon hôte afin qu'il m'ignore. J'avance plus avant, devenant plus discret, mon enveloppe se déforme, se distend, se transforme. Je me dissimule dans mon hôte méfiant, ma présence imprévue le réveille et l'inquiète. Ma cible est toute proche, je l'atteint, je le sent. Enfin je la repère. Des membres inconnus mais agiles apparaissent, se détachent de mon corps qui vient de les créer, ils volent vers leur cible, l'entourent, la capturent, la contrôlent. Ils aspirent sa vie, son savoir son pouvoir, me communiquent les données que je cherche. Automatisme sans autonomie, je traite et j'analyse, je décode. Les codes recherché sont a présent captés. Un élégant ballon s'envole derrière moi, il emporte avec lui le savoir dérobé. |