La neige crisse, le froid me glace, écrin de cristal qui enferme mes pieds, silence bleuté, mortel, frisson incontrôlé. Mon souffle se condense dans ma bouche, étincelle de vie aussitôt étouffée, la neige m'absorbe mais ne fond pas, mes empreintes disparaissent derrière moi, perdues dans le blizzard qui efface le monde. Je ressert mes bras, rempart dérisoire contre le temps qui sape, mon énergie s'épuise, je ne peut avancer. Mes pieds nus s'enfoncent et font crisser la neige, le froid m'envahit comme un fleuve glacé, remonte du talon, m'enserre la cheville et ralentit mon coeur. Je lève une jambe, puis l'autre, je ne dois m'arrêter, continuer sans cesse, progresser ou mourir. Le ciel bleu tranquille contemple ma défaite, nul besoin de tornade, de vent ou de blizzard, la neige seule réussira ma perte. Linceul blanc silencieux pour celui qui croyait, pour celui qui voulait être le seul au monde. Mais je ne suis pas mort, je me battrais toujours, j'avancerais encore, épuiserais chaque atome de la vie qui me reste. Je ne sens plus mes pieds mais mes jambes avancent, rythme lent, étouffé, progression acharnée. Le soleil froid me guide, me suit et me soutient, mais la mort m'envahit, la fatigue et le doute. Mon rythme ralentit, mon esprit renonce. Le salut est trop loin, mirage tremblotant, je suis déjà perdu. J'ai tenté de lutter, de contrer mon destin, j'ai bravé l'interdit et je me suis levé. J'ai froid, je suis transi, je vais mourir ici, seul, isolé, mais libre. Mes jambes s'immobilisent. Je contemple immobile la plaine blanche et vide, mes genoux se dérobent. Chute lente et silencieuse, forme noire sur la neige, encore vivant, à peine, tremblant tout doucement. Je ferme les yeux, obscurci le soleil, mes poings se ferment sur la neige, une larme gèle sur ma joue.
Il est mort.
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