Ses jambes effleurent le sol à intervalles réguliers, ses bras décrivent des arcs précis collés à son corps.
Il ne pense à rien, ses jambes le portent, indépendantes.
Il court. Les arbres défilent à la périphérie de son champ de vision, éclairs verts mêlés de brun, ils s'enfuient vers l'arrière, vers le passé.
Personne ne le dépasse, jamais. Ses enjambées se succèdent sans fatigue, sans monotonie. Il ne les compte pas, elles se suivent selon leur volonté propre.
Les façades d'immeubles se profilent de chaque côté de la rue, aveugles et grises, identiques et sans vie. Personne ne le voit courir, il ne voit personne, cela n'a aucune importance.
Chacune de ses foulées le propulse en avant, ses jambes se détendent comme des pistons, régulières et puissantes. Leurs battements marquent son rythme, font pulser son coeur.
Des voitures le dépassent, hurlements métalliques foudroyants. Des cyclistes le rattrapent, fragiles et silencieux. Il les devine devant, derrière, omniprésents. Il les évite, les contourne, il court.
Chacun de ses pas est un bond, un envol. Il est suspendu au dessus du sol, seuls ses pieds maintiennent le contact avec la terre. Son corps poursuit sa trajectoire rectiligne, indépendant.
Les quartiers se succèdent, identiques, différents, sans identité. Aucun ne le retient, il n'en reconnaît aucun, les noms sont vides et impalpables.
Il est porté par le vent, ses pieds frôlent le bitume. Ses bras équilibrent sa course le portant en avant.
Il traverse la foule, multitude bigarrée et uniforme. Les visages sont fermés, indifférents, il ne les voit pas, ne les identifie pas.
Sa course s'allonge, il semble s'élancer à chaque pas, son souffle est plus profond.
Il traverse les plaines, sans obstacles, sans repères. Il court vers l'horizon qui fuit sous le soleil brûlant.
Le sol ne le retient plus, ses pieds l'effleurent à peine, le vent le soulève.
Il arrive à la mer. |